Posted by on 29 août 2013 in Presse |

Héritage des pluies acides, les deux tiers des cours d’eau du nord-est américain sont aujourd’hui nettement alcalins, ce qui pourrait avoir des conséquences majeures sur l’approvisionnement en eau potable des grands centres urbains ainsi que sur les écosystèmes aquatiques.

gewagt wägend, Paul Klee 1930

Une étude parue lundi dans la revue Environnemental Science and Technology a été la première à étudier l’évolution sur une période prolongée (25 à 60 ans) de l’alcalinité de 97 grands cours d’eau, de la Floride (sud-est) au New Hampshire (nord-est).

Une eau plus alcaline complique le traitement des eaux potables et usées, favorise la croissance des algues et peut accélérer la corrosion des canalisations, explique Sujay Kaushal, un géologue de l’Université du Maryland (est), un des principaux auteurs de cette recherche.

« La plus grande inquiétude c’est que des niveaux élevés d’alcalinité ne provoque une toxicité de l’ammoniac dans l’eau, ce qui peut être néfaste aux récoltes irriguées avec ces eaux ainsi qu’aux populations de poissons dans les fleuves et rivières », précise-t-il à l’AFP.

Aucun de ces cours d’eau n’est devenu plus acide mais paradoxalement, des niveaux plus élevés de pluies acides dans le sol et les eaux résultant de l’activité humaine, sont la plus grande cause de cette alcalinité grandissante, déplore ce géologue.

Selon ces scientifiques, les pluies acides qui se forment avec la pollution produite par la combustion du charbon et du pétrole, ainsi que par les activités minières, précipitent la dissolution des roches carbonatées ainsi que des revêtements de surface naturellement riches en minéraux alcalins.

« Sources majeures d’eau potable » L’acide dans les eaux ronge le calcaire et les autres roches carbonatées, dissolvant les particules alcalines qui se retrouvent dans les cours d’eau et rivières.

« C’est un peu comme si les fleuves et rivières étaient traités avec du Rolaids », un médicament antiacide, ironise Sujay Kaushal.

Jusqu’alors les scientifiques s’étaient seulement penchés sur les effets de la dissolution chimique des roches carbonatées dans de petits cours d’eau de montagne affectés par les pluies acides où ce processus peut en fait aider à rééquilibrer leur pH (potentiel hydrogène). Avec une valeur de 7 le pH est neutre, à moins de sept un liquide est acide, à plus de 7 il est alcalin.

« La découverte de la forte alcalinité des grandes rivières et fleuves de l’est des Etats-Unis parmi les plus importants du pays a été une surprise totale », dit à l’AFP Sujay Kaushal, ajoutant que « cela montre que ces grands systèmes d’eau sont plus sensibles qu’on ne le pensait ».

Les rivières affectées sont des sources majeures d’eau potable pour entre autres Washington D.C., Philadelphie, Baltimore et Atlanta et d’autres de ces cours d’eau se jettent dans la baie du Chesapeake, le plus grand estuaire des Etats-Unis, déjà affecté par une croissance excessive des algues, précise-t-il.

Le géologue relève aussi que les pluies acides continuent à diminuer depuis plusieurs années grâce au renforcement des réglementations de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) voté par le Congrès américain dans les années 1990, mais « on ignore combien de temps il faudra pour que ce phénomène d’alcalinité cesse et si cela est possible ».

« Il s’agit d’un autre exemple de l’impact très étendu des activités humaines sur des systèmes naturels, ce qui est de plus en plus préoccupant », juge Gene Likens, un écologiste de l’Université du Connecticut (nord-est), co-découvreur des pluies acides en 1963, qui a collaboré à cette dernière recherche.

« Les décideurs et le public pensent que les pluies acides sont une affaire du passé mais ce n’est pas du tout le cas », commente-t-il. (…)

Sources from Jean-Louis SANTINI pour AFP