Posted by on 20 sept. 2013 in Presse |

« Une aberration médicale d’une extrême imprudence. » C’est ainsi que le Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM) qualifie l’autorisation de mise sur le marché des nouveaux anticoagulants oraux (NACO). Dans une lettre adressée le 17 septembre à la ministre de la santé, Marisol Touraine, ils détaillent leurs inquiétudes concernant ces médicaments prescrits à 160 000 patients en France.

Les anticoagulants, lancés en 2008, sont indiqués pour soigner les thromboses veineuses et les embolies pulmonaires ou en prévention de celles-ci, dans certaines circonstances, comme le port de prothèse de la hanche ou du genou, et en prévention des AVC. Leur consommation augmente avec l’âge. Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), 13,3 % des personnes âgées de plus de 65 ans ont été exposées au moins une fois à un anticoagulant en 2011.

Les nouveaux anticoagulants remplacent petit à petit les antivitamines K (AVK), dont la prescription oblige le patient à être suivi très régulièrement. Utilisés de longue date, les AVK soignent plus d’un million de personnes en France. Selon une enquête des autorités de santé en 1998, ils sont associés à un risque hémorragique responsable de 4 000 à 6 000 décès par an.

Les NACO, eux, ne nécessitent, a priori, pas de suivi médical particulier. Ils permettent aussi une posologie unique. Trois de ces nouveaux anticoagulants sont remboursés par l’assurance-maladie. Il s’agit du Pradaxa (laboratoire Boehringer Ingelheim), du Xarelto (Bayer) et de l’Eliquis (Bristol Myers Squibb/Pfizer). Mais les NACO ne sont pas des produits miracles : tout comme les AVK, ils ont des effets secondaires, notamment hémorragiques.

« Les seules informations qui circulent sont celles fournies par les firmes pharmaceutiques les commercialisant », regrettent les jeunes biologistes. Ils font notamment valoir à Marisol Touraine que la formation inexistante des médecins, pharmaciens, infirmiers et autres personnels soignants à l’utilisation des NACO nuit à la prise en charge des patients.

C’est particulièrement le cas pour les urgences. Ne pas savoir que le patient prend l’un de ces nouveaux anticoagulants fausse l’interprétation des bilans d’hémostase (les tests de coagulation), ce qui représente un réel danger. Le syndicat s’inquiète qu’aucun antidote ne soit encore connu pour ce médicament, contrairement aux AVK.

Début septembre, l’ANSM a elle aussi mis en garde les professionnels de santé « sur les facteurs de risques hémorragiques » liés aux NACO.

La Haute Autorité de santé (HAS) a également émis des réserves quant aux propriétés « révolutionnaires » des NACO. « Il n’existe à l’heure actuelle aucun argument scientifique pour remplacer un traitement par antivitamine K efficace et bien toléré par un autre anticolagulant oral », écrit-elle dans une fiche du bon usage du médicament consacrée aux NACO et publiée le 31 juillet. Concernant « l’amélioration du service médical rendu », l’autorité de santé leur a donné la plus mauvaise note (niveau V).

Le SJBM reproche également aux nouveaux anticoagulants leur coût « scandaleux » : 76 euros par mois, contre seulement 12,5 euros pour les AVK, suivi médical inclus.

Par Justine Salvestroni, Le Monde